Un ouvrage EXCEPTIONNEL

Ami de Bordulot, bonjour,

Je ne vous ai quasiment jamais adressé de courriel pour une de mes éditions en particulier.

Si je fais aujourd'hui une exception, c'est pour un ouvrage exceptionnel.

Je n'en dirai pas plus mais je vous fais suivre un commentaire (dont je ne connais pas l'auteur) que je n'aurais pas eu le talent de faire.

" Il y a autobiographie et autobiographie.

Il en est qui vous tombent des mains.

Du genre de celles où l'auteur rapporte des faits sans relief et /ou qui n'intéressent que lui-même ; ou de celles qui narrent des épisodes potentiellement intéressants mais qui se révèlent plombées par la platitude navrante de leur écriture ; ou encore de celles où, louangeurs de leur propre nombril, leurs écrivaillons croient se rendre intéressants en s'adonnant à un étalage incessant de noms connus.

Il en est plus d'une toutefois qui, à l'instar de " Je-Nous " (titre qui vous tout de suite met en appétit), se dévorent avec un plaisir tel que le temps de leur lecture paraît trop court.

Tout accroche en effet dans « Je-Nous », que ce soit les faits qu'ils rapportent, les personnalités qui s'en dégagent et la vivacité du style. Au fil de ses lignes, on découvre en Brigitte Bellac une femme drôle, tendre et attachante, dont la vie, quoique riche et peu conventionnelle, n'a pas été – et n'est pas – toujours évidente. Car, en butte à l'adversité (ce genou du titre, abîmé à l'âge de douze ans et demi et jamais vraiment réparé), elle a dû – et doit – se battre pour continuer à tirer le meilleur de l'existence. Néanmoins, pas de pathos autocentré dans ce livre, qui se présente envers et contre tout comme un hymne à la vie. Y mordant à pleines dents en dépit des embûches, Brigitte Bellac s'y révèle l'incarnation vivante de la résilience. D'où un ton globalement joyeux (ce qui n'exclut nullement la gravité), voire espiègle, lequel allège le ton et aide grandement, comme le chante Mary Poppins, « la médecine à couler ».

Du côté des faits, on hallucine de découvrir chez celle qu'on a trop souvent réduite au vilain petit canard d' « A nous les petites Anglaises », des talents aussi variés. Activités artistiques et littéraires, toujours embrassées avec enthousiasme, se succèdent ou se juxtaposent dans une gigue effrénée : danse, théâtre, cinéma, automate vivant, imitation, radio (« L'Oreille en Coin » sur France Inter), spectacle de music-hall puis, quand le corps se fait rétif, écriture de scénarios, de nouvelles, de romans (y compris pour la jeunesse), de poèmes sans oublier le dessin d'art. Une volonté d'expression jamais démentie chez cette grande fantaisiste que ce pauvre genou mal opéré, mal traité et maltraité, a conduit à quitter la scène prématurément.

L'écriture, vive et efficace, toujours de bonne qualité, dynamise à bon escient l'ensemble du texte. Quant aux noms connus, il y en a bien sûr (ne citer personne serait une aussi grande afféterie que de ne citer que des stars), mais très, moyennement ou peu célèbres, vénérés ou critiqués par la vox populi, tous sont traités sur un pied d'égalité.

Sans dégouliner d'admiration béate ni se laisser aller à de bas règlements de comptes, l'auteur exécute ses portraits alternativement aux couleurs fauves de l'admiration pure (René Simon, ...), au pastel de la tendresse admirative (Dominique Pinon, Philippe Brigaud, Jean Roucas, Brigitte Aubry , Eric Tallien, Laurent Gamelon, ...) ou à la pointe sèche de l'eau forte (Michel Lang, le Docteur Moule, Marie-Hélène Breillat, …). Une façon de faire contrastée, marquée au sceau de la sincérité, qui convainc d'un bout à l'autre.

Ce regard en arrière sur sa carrière donne en outre l'occasion à Brigitte Bellac de se pencher sur sa vie, et sur la vie en général. Avec discrétion, sans leçons de morale pesantes, elle nous démontre par l'exemple que le désespoir est mal élevé et que la vraie politesse, c'est la tendresse, l'humour et la volonté. Autant de vertus qui peuvent accomplir des miracles. Par exemple l'écriture : chez cette danseuse et comédienne née, la littérature dormait sous la cendre. Si bien que les vents contraires, au lieu d'abattre l'amoureuse des planches, ont en réalité soufflé sur les braises de l'expression écrite, raniment le feu qui couvait (n'écrivait-elle pas des contes dès l'âge de huit ans ,) Ce qui nous aura valu des romans étonnants comme " Le fou de la reine Blanche " ou " La Pierresse ", qu'elle n'aurait peut-être jamais écrits si elle avait pu poursuivre sa carrière d'actrice. Ainsi que cette autobiographie pleine de sève, à lire toutes affaires cessantes."

http://www.bordulot.fr/detail-je-nous-422.html