Printemps des Poètes 2017 : Afrique (s). Poèmes reçus au journal. Un ce soir : LINVINGSTONE ET LE ZAMBEZE de Claude FERNANDEZ.
Par Martine Gilhard, dimanche 5 mars 2017 à 22:22 :: Les activités et infos de l'association Millén'Arts Défis. :: #2601 :: rss
Printemps des Poètes 2017 : Afrique (s). Poèmes reçus au journal. Un ce soir : LINVINGSTONE ET LE ZAMBEZE de Claude FERNANDEZ.
De la part de Claude FERNANDEZ.
LIVINGSTONE
Poème épique de Claude Fernandez évoquant l'Afrique, ses populations, sa faune, sa flore, ses paysages au travers de l'exploration de Livingstone. Sa quête visant à retrouver la source du Zambèze.
Livingstone avançait. L'Afrique multiforme
Dévoilait sa beauté, révélait sa misère.
Pour lui point d'attelage, et rapide alezan
Mais le zébu placide, au pas lent et puissant
L'apathique zébu, qui, cheminant, rumine.
Livingstone avançait, ébloui, stupéfait.
Sa drogue n'est pas boisson, ni fruit, baume ou bien graine.
L'astringente coca, mâchonnée par l'Indien
Le sédatif pavot, que suce l'Oriental
Ne plaisent à son goût, n'excitent son désir
Ni le thé parfumé, ni la bière enivrante
Ni liqueur et ni vin. Sa drogue c'est l'Afrique.
Livingstone avançait, captivé, fasciné.
Kenya, Tanzanie, Somalie, Soudan, Zambie
L'Afrique déployait, pour lui grandeur, splendeur
Cameroun, Zimbabwe, Namibie, Mozambique
L'Afrique dispensait, pour lui, faste, abondance.
Le continent vit, meurt, dans l'ardente chaleur
Savane tannée, rases prairies, bush aride.
L'avalanche solaire, engendre et mortifie.
L'absence d'eau le grille, et l'excès d'eau le noie.
Le Sahélien brûlé, par les rayons ardents
Contemple en soupirant, les éternelles neiges
Du Kilimandjaro, trône serti de nacre.
La grasse andropogon, couvre le sol gorgé.
Tuf rouge et latérite, enveloppent la terre.
L'humus est une éponge, imbibée, saturée.
Le sable est poreux filtre, asséchant, dessicant.
Le cyclone violent, creuse l'ouadi profond.
Pour l'insulaire Anglais, Welland, Severn, Tamise
Près du Nil et Niger, sont fleuves dérisoires.
Tanganika, Victoria, Volta, Malawi
Le moindre lac ici, paraît un océan.
Voici les animaux, innombrables myriades.
La sveltesse voisine, avec l'énormité.
Certains sont agités, d'autres sont apathiques
Certains sont agressifs, d'autres sont timorés.
C'est ici le domaine, où la gazelle abonde.
L'endurante coureuse, aux pattes délicates
Dresse dans la savane, au-dessus des herbages
Ses cornes spiralées, enroulées, recourbées
Generuk, impala et tommies, damalisque
Darcas, oryx, addax, bubales et koudous.
Le buffle au col épais, charge férocement
Pour éviter sa corne, il vaut mieux devenir
Minuscule ciron, que géant mastodonte.
Le gnou, ce quadrupède, étrange et singulier
Véritable silène, erreur de la Nature
Migre vers les éclairs, pour trouver l'herbe fraîche
Mais parfois de longs jours, il demeure immobile
Comme si l'enfermait, une invisible cage.
Le zèbre au flanc rayé, de blanc vif, de noir mat
Brouille la vue troublée, d'un cinétique effet.
De son cou tendu, maigre, ainsi qu'un périscope
Revêche virago, l'autruche est aux aguets
Pour fondre sur l'intrus, dérangeant sa couvée.
Le rhinocéros blanc, recouvert de poussière
Débonnaire et paisible, au pied d'un fourré dort.
Le rhinocéros noir, flairant un importun
De sa corne incurvée, brusquement le menace.
L'hippopotame obèse, embarrassé, lourdaud
Se plonge dans la boue, puis s'étale au soleil.
C'est le seigneur du fleuve, oisif poussah, pacha
Tout le jour s'ébrouant, dans sa tiède baignoire.
De longs barrissements, traversent l'atmosphère.
Les éléphants puissants, dévastent la savane.
«Tout va bien, rien ne vient, troubler notre existence»
Dit leur ventre loquace, en un lent borborygme.
Leur trompe sans répit, saisit, tâte ou bien palpe
Se levant, s'enroulant, s'agitant, s'étirant.
La voici treuil halant, tirant, tordant, brisant
Puis la voilà siphon, refoulant, aspirant
Pour devenir fontaine, arrosant, aspergeant
Quand le troupeau se baigne, à la méridienne heure.
La girafe au long cou, bizarre, extravagante
De ses lèvres cornées, broute les acacias.
Comment cet animal, si disproportionné
Parvient-il à courir, sans basculer jamais ?
Les élégants flamants, au rosâtre plumage
Se pavanent dans l'eau, d'un rivage vaseux.
Pourquoi si bel oiseau, majestueux, superbe
Se complaît-il autant, dans sa défécation ?
Le phacochère épais, laid, repoussant, comique
Se vautre en piétinant, le sol gorgé de fange.
Le véloce guépard, en sa course effrénée
Rattrape l'antilope, et lui saisit la gorge
Tandis qu'hyène et chacal, repoussants nécrophages
Recherchent leur provende, au milieu des carcasses.
Le hideux crocodile, ouvrant sa gueule énorme
Dévoile ses crocs blancs, tels sabres flamboyants.
Sous la trouble épaisseur, du fleuve paresseux
L'informe lamantin, dans un trou se camoufle
Comme confus, honteux, de sa difformité.
Mais voici que survient, le Roi des animaux
Le magnifique lion, secouant sa crinière.
Lors, toute créature, en son abri se terre
Quand son grondement tonne, au fond de la savane.
Après l'aridité, des régions tropicales
S'étend la forêt, dense, épaisse, impénétrable.
C'est la forêt primaire, angoissante, inhumaine
Forêt vierge, inconnue, secrète, inexplorée
La sylve équatoriale, étouffante, accablante.
Soleil, orage et pluie, soleil, orage et pluie
Chute, évaporation, chute, évaporation
Jour après jour ainsi, le cycle recommence.
L'onde après les rayons, fortifie, densifie
Tonifie, raffermit, l'exubérante flore
Baobabs, acajous, okoumés, palissandres.
Leurs troncs vertigineux, s'élancent vers les cieux.
Ne dépassent-ils pas, le mythique Yggdrasill ?
Près des géants ligneux, colosses végétaux
Le chêne vénérable, est ridicule arbuste
L'auguste châtaignier, paraît bonsaï infime.
Leste viverridé, sautant de branche en branche
La nandinie s'ébat, dans ce domaine étrange.
La panthère assoiffée, de chair sanguinolente
Diablotin noir surgit, pour égorger sa proie.
L'écailleux pangolin, se gave de fourmis
Se collant au mucus, de sa visqueuse langue.
C'est une immense cage, où les oiseaux pullulent
Calaos, touracos et jacos, malimbés
Pluviers, pluvions, chevaliers, pélicans, cigognes
Remplissant la futaie, de leurs chants mélodieux.
C'est le royaume obscur, du ravageur insecte
Papillons merveilleux, remémorant l'Eden
Carabes ténébreux, évoquant les Enfers.
L'atmosphère est emplie, de nuées bourdonnantes
Silencieux moucherons, et grésillants moustiques.
C'est le gîte idéal, des Primates grimpeurs
Colobes et patas, drills et mandrills, pottos.
De rameaux en rameaux, puis de lianes en troncs
Les voici cascadant, comme des acrobates
Les voici caquetant, jacassant, glapissant
La vulgaire, impudique, indécente guenon
L'impressionnant gorille, athlète primitif
Qui frappe son poitrail, pour alarmer ses frères
Les babouins chamailleurs, s'épouillant en famille.
Voici le chimpanzé, comique et hilarant
L'inadmissible image, et la caricature
Blessant notre fierté, de parangon superbe.
Le python de Seba, vorace, inassouvi
Dans sa gueule béante, engloutit les gekkos.
Le mamba venimeux, aux teintes flamboyantes
Guette dans leur terrier, les peureux lémuriens...
Livingstone avançait. L'Afrique multiforme
Dévoilait sa beauté, révélait sa misère.
Livingstone avançait, captivé, fasciné.
L'Afrique à lui s'offrait, comme une courtisane.
L'Afrique déployait, pour lui grandeur, splendeur.
L'Afrique dispensait, pour lui, faste, abondance.
L'Afrique luxuriante, et l'Afrique indigente
L'Afrique généreuse, et l'Afrique miteuse.
Vivant en communion, parmi les créatures
Partout s'amalgamant, au sein de la Nature
Voici disséminées, les tribus des humains
Bochimans, Hottentot, Pygmées, Bantous, Bingas
Petits, grands, dégingandés, trapus, filiformes
Tutsis, Hutus, Malinkés, Mau-Mau, Bagandas...
Pourquoi Dieu créa-t-il, si différentes races
L'homme avec l'animal, ne se confond-il pas ?
N'est-il ainsi plus digne, épanoui, libéré ?
Les femmes dénudées, transportent sur la tête
Potiches et paniers, canaris et couffins.
N'est-il rien de plus beau, que le naturel port
Dont Jehova para, ses fils depuis Adam ?
Paroi de boue, toiture, en palmes rassemblées
Voici la case ronde, où bêtes et gens vivent.
L'habitat naturel, n'est-il noble demeure ?
Pourtant d'autres ethnies, traumatisent leur corps.
Les scarifications, recouvrent leur poitrine.
Leur peau tannée devient, un vivant écriteau.
Leur chair est tailladée, mutilée, torturée
L'incisive est limée, la bouche déformée
Le mâle est circoncis, la femelle excisée.
Notre Père est Soleil, notre Mère est la Terre.
Semer puis récolter, ou soigner le bétail
La vie du paysan, du patient éleveur.
L'on cultive le mil, au bord des marigots
Le manioc, le sorgho, l'indigo, l'arachide.
L'on recueille et prépare, en bouillies nutritives
Racine de l'igname, et sagou du zamier.
Les bouviers massaïs, tels voraces vampires
Se délectent du sang, qu'ils spolient à leurs vaches.
Le maigre pasteur peul, debout sur une jambe
Surveille l'horizon, de son regard aigu.
Munies d'un long bâton, les femmes en chantant
Pilent dans le mortier, les épis du mil frais.
Le sol est défriché, par la gaba courbée.
L'industrieux Ewé, brandissant la machette
Protège en son enclos, bananiers, ananas.
Voici dans la forêt, les Pygmées ingénieux.
La tige de bois tourne, entre leurs mains agiles
Quand, miracle, apparaît, l'étincelle fugace.
La braise bientôt cuit, une odorante viande.
Les hommes ont tendu, leurs filets dans les arbres
Pendant qu'enfants et chiens, rabattent le gibier
Jappant et criaillant, frappant troncs et branchages.
Voilà prise bientôt, l'imprudente gazelle
Qui point n'avait compris, le mortel stratagème.
Voici les Bororos, chérissant les zébus
Les Mosis dont le roi, le fier Moro Naba
Peut brûler de ses pas, les contrées qu'il traverse.
Voici chez les Dogons, le rite saisonnier.
Couvert de kaolin, pour mimer les défunts
L'enfant à l'écart jette, une pierre à sa mère.
Les récits du griot, confirment l'initié.
L'étourdissant tam-tam, résonne dans la brousse
Le masque épouvantable, aux yeux de cauris noir
Pour mimer les démons, recouvre les visages.
L'on ne doit savoir, qui l'agite et l'anime.
Les corps humains sont peints, de criardes couleurs.
Battement primordial, pulsation primitive
La danse frénétique, emporte les guerriers
Dans son rythme effréné, sa cadence heurtée
Sa dynamogénie, haletante, éreintante.
Pourquoi Dieu généreux, donna-t-il à ces peuples
Tant de rites curieux, et d'absurdes croyances ?
Livingstone avançait. L'Afrique multiforme
Dévoilait sa beauté, révélait sa misère.
Livingstone avançait, captivé, fasciné.
L'Afrique à lui s'offrait, comme une courtisane.
L'Afrique déployait, pour lui grandeur, splendeur.
L'Afrique dispensait, pour lui, faste, abondance.
L'Afrique juvénile, archaïque, incertaine
L'Afrique millénaire, intemporelle, immortelle
Dans sa décrépitude, et son adolescence
L'Afrique arriérée, l'Afrique ingénue, l'Afrique
Des traditions figées, des rites pétrifiés.
C'est le tonneau percé, des vaines Danaïdes
C'est la peau de chagrin, la corne d'abondance
L'Américain retords, l'Européen cupide
Sans pudeur s'étanchaient, dans ce trop plein calice.
Comme esclave déjà, besognait l'indigène.
Les fouets des négriers, claquaient sur les chairs vives.
L'acajou devenait, le meuble d'un cottage
L'ivoire étincelant, d'un martyr pachyderme
Trônait sur le buffet, d'un prétentieux magnat.
Marchands, négociants, trafiquants, spéculateurs
Se ruaient sans pitié, sur la proie sans défense.
Le flegmatique Anglais, s'étonne et s'extasie.
Voici qu'il s'interroge, incrédule, intrigué.
Comment ce continent, peut-il autant porter
Sans jamais s'épuiser, d'animaux et de plantes ?
Mais ce qui l'absorbait, ce qui le fascinait
Ce n'était le décor, des végétaux superbes
Ce n'était le ballet, des animaux splendides
Ni luxuriante plante, ou prodigieuse bête
Ni même les humains, si variés, si curieux
Mais le destin fuyant, des liquides chemins.
Comment est constitué, le régime des fleuves ?
Pourrai-je enfin trouver, les deux sources du Nil ?
Par le ciel absorbé, peut-on voir un méandre
Vaincu par le soleil, et par la sècheresse
Disparaître au néant, sans goulet déversoir
Ni siphon naturel, ni bonde souterraine ?
Pourrai-je vivre assez, pour lever ce mystère ?
Dans quel sens peut couler, ce fleuve capricieux
Le Zambèze inconnu, cette énigme insoluble ?
Quelle immense montagne, utérus monstrueux
Put enfanter un jour, ce géant aquatique ?
Mattopo, Moutchinga, n'êtes-vous réservoir
Masquant dans les forêts, de vos pubiens replis
Cette source abondante, ainsi qu'un mucus tiède ?
Pourrai-je contempler, tel un adorateur
Cette matrice énorme, en sa parturition ?
Quels sont les affluents, qui de leur cours l'abreuvent
Lui sacrifient leur eau, pour gonfler son débit ?
Cette onde qui s'écoule, à mes pieds, devant moi
Pourrait-elle rejoindre, au bout de son voyage
La côte namibienne, ou l'anse mozambique
Le fougueux Atlantique, ou l'Océan Indien ?
Ne part-elle vers l'Est, pour bifurquer à l'Ouest ?
Ne serait-ce une ruse, abusant mon esprit
Que me joue la rivière, amoureuse perfide ?
Que ne pourrai-je hélas, changer comme Protée
Mon humaine enveloppe, en goutte minuscule
Pour suivre son chemin, jusqu'à son embouchure ?
Sous le toit d'une hutte, un jour à Chitambo
L'homme tomba, vaincu, par la traître forêt.
Lorsqu'au dernier instant, son âme s'échappa
L'on vit un vague éclair, danser en son œil triste
Le terrible regret, d'un rêve inassouvi.
Claude Fernandez
poète épique auteur de La Saga de l'Univers
http://www.claude-fernandez.com.
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