Théâtre de la Fleur d'Or

Les samedis 1er, 8 et 15 octobre à 20h 30, les dimanches 2, 9 et 16 octobre 2016, à 16h 30,

à la Crypte du Martyrium Saint-Denis, 11, Rue Yvonne Le Tac, 75018 - PARIS - Métro Abbesses ou Pigalle,

LES LETTRES A UN JEUNE POETE de Rainer Maria RILKE,

Mises en scène et interprétations de

Zygmunt BLAZYNSKY

Conceptions Lumière : Stéphane GUIMONT,

Régie : Robert KOPEC,

Tarifs : 15€ et 10€ (tarif réduite)

Renseignements et réservations : 0142234894.

Courriel : zygmunt.blazynsky@wanadoo.fr.

LETTRES A UN JEUNE POÈTE

Rainer Maria RILKE

Lettre à un jeune poète est une méditation sur la solitude, la création, l’accomplissement intérieur. C’est l’une des œuvres les plus connue et les plus accessibles de Rainer Maria Rilke. L’aventure poétique de Rainer Maria Rilke n’est pas limitée à la seule création, elle recèle également une réflexion sur l’acte littéraire. Dans les Lettres à un jeune poète, l’auteur révèle ses doutes tout autant que ses joies de créateur. Il répond à une longue missive qui lui fut envoyée par Franz Xaver Kappus, âgé de vingt ans, dans laquelle le jeune homme se confiait entièrement à lui. Les dix lettres qui constituent ce recueil ont été écrites par Rilke entre 1903 et 1908. Elles retracent le processus de maturation de l’auteur tout autant qu’elles portent en germe les thèmes centraux des Elégies de Duino et Sonnets à Orphée, ses œuvres maîtresses. Rilke endosse à l’égard de Kappus le rôle de guide, cherchant à clarifier les enjeux essentiels de la poésie. Il lui fait part de la solitude nécessaire à toute entreprise littéraire, de la confrontation vitale avec la réalité crue, et lui fait pressentir le bonheur des « aubes nouvelles », ces extases fugaces qui compensent la douleur de l’enfantement poétique. Un voyage aux sources de la création.

Lenaïc Gravis et Jocelyn Blériot.

Extrait :

Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer des heures durant, personne – c’est à cela qu’il faut parvenir.

Être seul comme l’enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent, mêlées à des choses qui semblent grandes à l’enfant et importantes du seul fait que les grandes personnes s’en affairent et que l’enfant ne comprend rien à ce qu’elles font. S’il n’est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d’être près des choses : elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et celui des bêtes, tout est plein d’évènements auxquels vous pouvez prendre part, les enfants sont toujours comme l’enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.

( …) Cherchez en vous mêmes. Explorer la raison qui vous fait écrire ; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cœur ; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s’il vous était interdit d’écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit : suis-je vraiment contraint d’écrire ? Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : « je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité. Votre vie jusque dans son heure la plus indifférente, la plus vide, doit devenir signe et témoin d’une telle poussée. Alors approchez la nature.

Essayez de dire comme si vous étiez le premier homme, ce que vous voyez, ce que vous vivez, aimez, perdez. N’écrivez pas des poèmes d’amour. Evitez d’abord ces thèmes trop courant : ce sont les plus difficiles. Fuyez les grands sujets pour ceux que votre quotidien vous offre. Dites vos tristesses et vos joies, les pensées qui vous viennent, votre foi en une beauté. Dites tout cela avec une sincérité intime, tranquille et humble. Utilisez pour vous exprimer les choses qui vous entourent, les images de vos songes, les objets de vos souvenirs. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous - même de ne pas être assez poète pour appeler à vous toutes ses richesses. Pour le créateur rien n’est pauvre, il n’est pas de lieux pauvres, indifférents. Même si vous étiez dans une prison dont les murs du jour, fermée aux bruits du dehors.

Et si de ce retour en vous-même, de cette plongée dans votre propre monde, des vers vous viennent, alors vous ne songerez pas à vous demander si ces vers sont bons.

Vous n‘essaierez pas d’intéresser des revues à travaux, car vous en jouirez comme d’une possession naturelle, qui vous sera chère, comme d’un de vos modes de vie et d’expression. Une œuvre d’art est bonne quand elle est née d’une nécessité. C’est la nature de son origine qui la juge. Aussi, cher Monsieur, n’ai-je pu vous donner d’autres conseils que celui-ci : Entrez en vous-même. Sondez les profondeurs où votre vie prend sa source. C’est là que vous trouverez la réponse à la question : devez-vous créer ? De cette réponse recueillez le son sans en forcer le sens. Il en sortira peut-être que l’Art vous appelle. Alors prenez ce destin, portez-le avec son poids et sa grandeur, sans jamais exiger une récompense qui pourrait venir du dehors. Car le Créateur doit - être tout un univers pour lui-même, tout trouver en lui-même et dans cette part de la nature à laquelle il s’est joint. Il se pourrait qu’après cette descente en vous-même, dans le « solitaire » de vous même, vous dussiez renoncer à devenir poète, alors même, cette plongée que je vous demande n’aura pas été vaine. Votre vie lui devra en tout cas des chemins à elle. Que ces chemins vous soient bons, heureux et larges, je vous le souhaite plus que je ne saurais le dire.

Critique/Presse :

Les lettres à un jeune poète sont tout autant des lettres écrites par un jeune poète – Rilke a vingt-sept ans lorsqu’il répond pour la première fois, trente-deux ans lorsqu’il écrit la dernière lettre publiée – à un jeune homme dont la figure précise reste dans l’ombre de sorte qu’il devient, pour ainsi dire, l’éponyme, moins d’un âge, que d’une période de la vie, définie par un type de dilemmes. La force de ces lettres et leur vaste lectorat tient d’abord à ceci que ce qu’on lit dans les réponses de Rilke prend un tour quasi universel en même temps qu’il y a suffisamment d’indications particulières pour ancrer la personne de Franz Kappus dans une réalité individuelle. C’est que ce dernier traverse ce moment inévitable, mais irréductiblement singulier dans l’expérience, au cours duquel chacun s’efforce de " passer vers le monde adulte et de parvenir à être enfin soi-même." La poésie bien sûr n’est pas absente de ces lettres, mais c’est d’abord parce qu’elle est recherche d’une vérité intime. Il s’agit tout autant d’écriture en général, de création artistique, que, pour finir, de la raison intime qui détermine le choix d’existence que tout un chacun peut vouloir découvrir en soi.

Extrait de la préface du traducteur.

Paresse ou incompréhension, j’ai souvent eu des grandes difficultés à lire. Les lettres que Rainer Maria Rilke (alors âgé de 28 ans) adressait au jeune poète Franz Kappus, me sont apparues comme une eau claire. J’ai plongé dans cette lecture sans reprendre mon souffle.

Ma rencontre avec ces lettres reste un choc, une émotion, au bord des larmes. J’aimerais vous faire partager cette émotion, et vous faire entendre toute la grandeur, toute la beauté de cette méditation intérieure.

Barbara.

Note de l’importance de la traduction : Rilke aura été un défi aux traducteurs, ne fussent-ils conscients que de contribuer à la connaissance de la Weltliteratur. On ne compte plus les traductions des « Lettres à un jeune poète », « Des élégies de Duino » et des « Sonnets à Orphée », sous la plume de traducteurs illustres ou non, mais dont le travail créateur nous aura toujours plus rapprochés du texte original, pour n’en retenir que quelques-uns, avec l’injustice que constitue ce type de liste. Arthur Adamov, Maurice Betz, Armel Guerne, Philippe Jaccottet, Jean-Yves Masson, Armand Robin, Claude Vigée. Tâche oh ! Combien difficile quand on sait que Rilke écrivit aussi des œuvres en français : le doute du traducteur est ici encore plus fort que dans d’autres cas de traduction ! N’a-t-il pas sans cesse en tête l’anecdote du chant contenu dans les « Cahiers de Malte Laurids Brigge » ? Alors que Rilke prise la traduction de la prose traduite par Maurice Betz, Rilke traduit lui-même ce chant et sa version lui semble « reproduire à peu près cet élan rythmique qui, dans le texte allemand, fait que la voix de la jeune fille s’élève au-dessus de la prose et se détache d’elle de son propre essor » En fait, peu de poèmes avaient été traduits du temps de Rilke, quand à ses poèmes français, auxquels il a donné le même nom que celui de ses poèmes allemands, ils sont loin d’être des traductions. Comme le souligne Gerald Stieg. « Bref, Rilke, le maître traducteur, est convaincu que la traduction de ses poèmes en français, n’est ni possible, ni souhaitable ». Dans ces conditions, forts de l’expérience notamment de Rilke lui-même où, pour magnifier la musique, la traduction attente au sens, les traducteurs (Remy Colombar, Jean-Claude Crespy, Dominique Lehl, Rémy Lambrechts, Marc de Launay, Jean-Pierre Lefebvre, Jacques Legrand, Marc Petit et Maurice Regnault)ont accordé la priorité aux structures sémantiques, parti pris qui, vu la qualité du travail de ces derniers, a pour effet de rapprocher la poésie de Rilke de la poésie française actuelle.

François Mathieu

En Conclusion : S’il existe des livres de chevet, que l’on lit, relit et re-lit, « Les Lettres à un jeune poète » en sont l’incarnation la plus parfaite. Il y a toujours quelque chose à « tirer » de ce genre d’ouvrage. Il nous aide à grandir, à sortir d’une situation difficile. Et jamais on ne se lasse de le prendre et de le reprendre. Il touche à notre intimité profonde, dit ce que nous pensons, ce que nous voudrions savoir dire. Et nous montre l’humanité telle que nous voudrions la connaître et surtout l’être… Nous ouvre le chemin intemporel.