MAUX DITS

Pour certains grands esprits, vivre est pathologique,

Et donc pour s’en guérir, la mort seule est logique.

Ce remède infaillible une fois peut servir,

Dont l’effet radical n’a pas de repentir.

Mais, comme on dit aussi que chaque conviction

Est une maladie, c’est là contradiction.

Chacun des médecins, SA maladie possède

Qui est sa favorite et pour laquelle il plaide.

Il en sait les roueries, remèdes et variantes,

Dont le vocabulaire est une arme importante.

Quand le mal est bien dit, il est presque guéri,

La douleur se dissipe et le malade en rit.

De sa pathologie, le malade est très fier.

Et à tous ses amis explique ses critères.

À ces noms compliqués le patient se complait,

En se gargarisant, il nomme leurs méfaits.

Courante maladie, la diarrhée… verbale,

N’est que constipation de zone cérébrale.

Voir la vie comme elle est, c’est la mélancolie

Et son meilleur remède est encor l’amnésie.

Rouler des mécaniques est mâle maladie,

Pour lequel un remède est rêveuse utopie.

De nos jours, tous les gens rêvent de se soigner :

C’est aussi maladie dont il faut se méfier.

Je hais les hôpitaux. Et même les abhorre.

Je fais donc cent détours pour n’en pas voir l’abord ;

Et quand j’y dois entrer, c’est à l’envers alors, Que cette tromperie m’assure que j’en sors.

Marcher à reculons est pourtant dangereux :

Et si, à l’hôpital, je devenais boiteux ?

La vieillesse n’est pas une tare évitable ;

La jeunesse n’est pas maladie incurable.

Le sommeil, pour les deux, est remède efficace,

Dont la posologie à la longue nous lasse.

Pour beaucoup de remèdes on cherche des patients :

Trouver des maladies va devenir urgent.

Jacques Grieu.