VILLE PRIX


Souvent près d’un grand fleuve ou au bord de la mer,

La ville a une histoire avec ses inventaires.

Chacun court, à la ville ; ils courent après quoi ?

Ils ne le savent pas, c’est sans doute après soi…

Mais sans pouvoir s’atteindre, ils meurent de fatigue.

Plus grande est leur cité, plus de chimères ils briguent.

Même les oiseaux toussent en la plupart des villes,

Devenues des parkings pour les automobiles.


Pas d’horizon, en ville, et pas non plus, d’issue.

C’est un enfermement et chacun l’a perçu,

Mais y va librement, et donc n’est pas déçu.

Pourtant des vieux villages, alors, on a voulu

Garder quelques morceaux de décor familier :

Le son ancien des cloches ou quelques rues à pied,

Quelques vieux pans de bois, la fontaine au quartier,

Encore des marchés et certains vieux métiers.


De voisins, à la ville, on a moins qu’en campagne.

La ville est solitude où de tous on s’éloigne.

La ville nous permet de voir sans être vus,

Mais… d’être vu sans voir, souvent à notre insu.

On s’y sent inconnu, mais des gens on connaît.

Des gens qui, comme vous, se pensent très secrets.

Au village on sait bien qu’on devient très connu,

Mais on connaît très peu et l’on est beaucoup vu.


Pendant qu’à la campagne, on travaille tranquille

On s’agite, on bourdonne, on s’affaire à la ville.

On y voit nuit et jour, voitures voiturant,

Camions camionnant, les scooters scooterant.

En incessant ballets, les vélos véloçant,

Les tramways tramoyant et les bus bussotant.

Et dans ce tourbillon, les piétons qui piétinent,

Essayant d’éviter les trajets des machines.


Poule née au village est mangée à la ville :

La campagne produit et la cité mutile.

C’est en ville, dit-on, qu’on chante la campagne,

Mais si l’inverse est vrai, il faut vivre en montagne !

Des cités avilies, la campagne nous blâme :

La ville a la figure et la campagne a l’âme.

La première on subit, l’autre nous accompagne.

Car l’homme fit la ville et Dieu fit la campagne…

Jacques Grieu.