Juste un point de vue, un partage. À prendre avec des pincettes, il ne vaut que ce qu'il vaut. Appréciez comme vous l'entendez.

Quelques haïjins tentent une rime éloignée.

À ma connaissance, une seule francophone s'y emploie :

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palmipède errant –
d’un ciel à l’autre l’outarde
voyage en pleurant

pluie à ma fenêtre –
novembre le mois des morts
et qui m’a vu naître

Diane Descôteaux
Québec (Canada)

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En ce qui me concerne, il y a une nuance (lire la suite).

Je m'étais inspiré du style de Guilherme de Almeida
http://www.insite.com.br/rodrigo/poet/hai_rime.html

Son modèle de base :

x x x x a 5
x b x x x x b 7
x x x x a 5

a = rime éloignée
b = deux assonances internes

Si dans le monde s'y sont essayés nombre de haïjins (brésiliens, anglo-saxons, slaves... et non des moindres), je ne vois pas pourquoi je me l'interdirai. Y aurait-il d'autres haïjins francophones qui se risqueraient à tenter une telle approche ?

Pour l'instant le milieu des haïjins francophones semble rétif, un peu freiné par sa pusillanimité. Mais surtout, soyons juste, par manque de temps pour “saisir où se trouverait l'essentiel du haïku”. Et les trop nombreuses contradictions glanées :
- ne faites pas ci
- ne faites pas ça
- faites-le quand même !

Par choix personnel, aimant affronter les défis, j'ai décidé d'accentuer fortement rimes et assonances.
En outre, je n'emploie que des « mots concrets » (une difficulté supplémentaire).
Des contraintes d'une extrême exigence qui, heureusement, ainsi en limitent la production.
Bien que je me le permette parfois, je ne prône pas une approche aussi iconoclaste.
Mais vous avez affaire avec un “criminel multirécidiviste”.

Six tentatives en sept années.
Malgré les effets, sachez que tout est issu du « réel vécu et ressenti ».
Et, ce, même si c'est trompeur... en toute humilité.

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Bourgeons sous la neige.
Deux cygnes noir d'encre signent
d'un cœur leur manège.

in « Chevaucher la lune » (1)

Un fort kigo à la charnière de l'hiver et du printemps.
Assez douces, les assonances internes en L2 font un peu oublier la rime « appuyée » entre L1 et L3.

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Lendemain de fièvre.
Les fleurs de jasmin effleurent
tes yeux et tes lèvres.

in « Chevaucher la lune » (1)

Un kigo sous-tendu, les fleurs de jasmin sont le plus souvent cueillies en août.
Douces, les assonances internes en L2 font un peu oublier la rime « enfiévrée » entre L1 et L3.

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Vieux bœuf impassible.
Alerte ! les mouches vertes
foncent vers leur cible.

Un kigo sous-tendu, les mouches vertes œuvrent essentiellement en été.
Assez « alertes » (sic), les assonances internes en L2 font un peu oublier la rime « passive » entre L1 et L3.

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Bercail sous la bruine.
Autour planent des vautours
jusque dans les ruines.

Un kigo sous-tendu, la bruine sévit plutôt en automne.
Lourdes, les assonances internes en L2 font un peu oublier la rime « tristounette » entre L1 et L3.

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Cendres à Beyrouth.
Si blême, la lune emblème
du chant de Fayrouz.

Une amie, née à Beyrouth, m'a fait connaître ses ressentis. Empreinte d'une immense nostalgie, elle semble émerger. Sur le magnifique Concerto d'Aranjuez, la voix sensible de Fayrouz entonne une ode :http://www.youtube.com/watch?v=7HlxqursgjU Ressentez-vous la nostalgie qui est, je l'espère, suggérée par les assonances internes en L2 et les échos éloignés “en/an” et “eyrou/ayrou” ?

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L'Instant de Guerlain,
appeau vaporeux ~ ma peau
d'automne opalin.

Trois assonances allitératives en “apo”. Pschitt... pschitt... pschitt...
Un imprévisible retournement en “opa”. Évanescence dans la brume...
Un kigo, la pâleur de l'automne est le reflet de ma peau pâlichonne...
J'ai proposé le flacon à la “Maison Guerlain” à Paris.
Sans attendre quoi que ce soit.
Un simple sourire a suffit.

Francis Tugayé
(point de vue de l'auteur)

(1) in "chevaucher la lune".
anthologie sous la direction d'André Duhaime
éditions David, Ottawa (Ontario), 2001

P.S. Cet avis se retrouve sur le lien suivant: http://fr.groups.yahoo.com/group/haiku-fr/message/50211.